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EXPOSITION Exposition
Du 8 octobre 2016 au 30 avril 2017
au Musée de l'Outil et de la
Pensée Ouvrière, à Troyes.

Richard Desvallières
(1893 - 1962)

Richard Desvallières


Monument aux morts dans l'Aisne

Dessous de plat

Fine and rare Wrought-iron, Tole and Marble console. Sue & Mare; circa 1925.
Designed by Richard Desvallieres for Sue & Mare.
Provenance: The Estate of Mr. Arthur Schmidt, New York, NY.
See Sue & Mare by Florence Camard, p.256, for the illustration of a similar Console. Edition de l’Amateur.

Détail d'un puits à Acy le Haut

Le Souvenir de Richard Desvallières
(Compagnonnage, mars 1962)

          Rien n'est plus éclairant que d'essayer de comprendre ceux qui n'ont jamais parlé d'eux-mêmes. A considérer leur vie on en découvre toutes les richesses cachées, celles qui ont justement besoin de silence et de discrétion pour atteindre à leur vérité. Ainsi était la vie de Richard Desvallières, qui fut modeste de sa personne et si attentif aux autres. Maintenant qu'il n'est plus, cette disposition qui chez lui était profonde éclate et prolonge sa vie parmi les vivants. Nous qui restons vivants, nous agissons en partie par nos morts. Leur héritage nous habite comme une loi de l'âme.
          Richard Desvallières n'avait pas lui-même échappé à cette loi. Né d'une famille distinguée, il avait tout enfant reçu de fortes empreintes. Tout d'abord celle de son grand-père, Ernest Legouvé. La compagnie du vieillard et de l'enfant est une de ces rencontres fertiles dont notre société actuelle, comme de bien d'autres grâces, se prive inconsidérément. Dans la propriété de Seine-Port, Ernest Legouvé et son petit-fils allaient cheminant et causant, l'un témoin d'une époque révolue, mais porteur de tout un savoir-vivre, l'autre interrogeant et écoutant : il paraît que cet échange par-delè les générations eut une pénétrante influence sur le jeune Richard. Son père, George Desvallières, homme étonnant, grand peintre et aussi grand caractère, lui avait également laissé sa marque, qui semblait s'affirmer encore davantage dans les dernières années de la vie de Richard Desvallières. Et aussi la guerre de 1914-1918, qu'il avait traversée tout au long, partant comme simple soldat, revenant capitaine après deux années dans les chars, où il avait gagné la Légion d'honneur. Le connaissant tel qu'il était, il avait dû y dépenser des trésors d'amitié pour les hommes.
          Doué pour les arts, nourri de l'éducation exceptionnelle qu'un milieu familial privilégié lui avait apportée, il dessinait, il peignait vigoureusement des toiles qui, par certains traits pleins d'acuité et de grandeur, par l'austérité des tons, rappelait un peu le génie espagnol. Mais dès l'adolescence, il fut attiré par la forge. Fait bien étonnant, ce fils de grands bourgeois allait se consacrer à l'un des métiers les plus manuels et les plus rudes, et l'aborder en ne retranchant rien d'une application qu'il menait lui-même du commencement à la fin de l'œuvre. Sans doute y trouva-t-il une correspondance secrète à son être, et une beauté par laquelle la plus âpre des matières s'adoucit et se rend sous le feu et l'effort.
          A quinze ans déjà, il semblait porter en lui-même tout son destin. Il avait fixé son choix, et son père avait compris qu'il était irréversible, tellement qu'il eut la sagesse de l'installer dans un coin de la propriété de Seine-Port. Ainsi fut fondé, il y a cinquante ans, le petit atelier où durant sa vie le forgeron devait rester, comme l'arbre attaché au sol nourricier. C'est dans cet atelier, agrandi au fur et à mesure de ses besoins et de sa maîtrise, que les compagnons le connurent, toujours fidèle et égal, allant de sa forge à sa vigne, quittant l'enclume pour le labour, menant la vie la plus simple et la plus proche de la nature qu'on puisse imaginer. On peut dire que tout au long de cette vie exemplaire il s'exprima dans le fer. On peut même penser plus justement qu'il fit du fer forgé un moyen d'expression infiniment plus sensible et plus complet qu'il ne l'est d'ordinaire. Du fer forgé par Desvallières, c'est plus que de la ferronnerie et, avant la lettre, avec trente d'années d'avance, on y voit, préfigurées et abouties, les recherches que font de nos jours certains sculpteurs, lesquels veulent se retremper dans les matériaux directs : tôle soudée, fer battu, tiges assemblées, etc. En ce sens, Richard Desvallières aura été un novateur et un traceur de voie. Mais nous croyons qu'il restera seul : il était trop original, trop indépendant, trop isolé et éloigné d'un art facile pour que ses œuvres soient imitées par des suiveurs. Il était le contraire d'un technicien, un pur artiste, c'est-à-dire qu'il ne s'embarraissait d'aucun préjugé dans son travail. Son œuvre est considérable. Elle est jalonnée de très belles pièces. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
          Dans la dernière période de va vie, vingt ans, Richard Desvallières devait rencontrer le Compagnonnage. Ce qui est pour les uns un départ et un acte de la jeunesse fut pour lui comme une conclusion. Il trouva dans l'idéal du compagnon la justification de toute sa vie ouvrière, sans rien renier de ses richesses intellectuelles et morales, sans rien perdre de l'héritage des siens. Il réalisa alors pleinement cette sorte de transfiguration du métier manuel, vers laquelle il avait toute sa vie marché. Ce fut pour lui l'occasion de donner aux autres, et tout particulièrement aux compagnons forgerons, un peu de ce qu'il avait reçu des siens et de ce qu'il avait acquis lui-même. Il le donna au moment de la fondation de la maison de Lyon où il vécut avec sa famille parmi les compagnons de 1942 à 1945. Il le donna par les œuvres qui resteront dans nos maisons, à Lyon, Strasbourg, Paris et Angers. Mais il le donna encore directement aux hommes, sous la forme dépouillée de l'esprit. L'une et l'autre part nous resteront comme un bienfait.


Calice
Calice
Crucifix
Crucifix en laiton
Crucifix
Crucifix
Crucifix
Crucifix

Coupe
Coupe à l'aigle et le poisson
Étude de jambe

Hommage au compagnon R. Desvallières
par Parisien la Noblesse du Devoir

          Parisien la Bonne Volonté, Compagnon ferronnier du Devoir, s'est éteint après une longue et cruelle maladie.
          Le cœur lourd devant l'inéluctable, le Compagnonnage des Forgerons Maréchaux, Mécaniciens du Devoir, ressent une infinie tristesse en la perte de ce grand et modeste compagnon.
          C'est dans une période de deuil national qu'il était venu servir le Compagnonnage dans sa rénovation, en la ville de Lyon. En 1942, l'honneur me fut dévolu de conduire sa réception de Compagnon Forgeron. Malgré les vingt années passées, je me souviens de cette réception, de l'impression qu'elle laisse en mon cœur.
          Car la coutume de cette réception veut qu'elle s'adresse à l'homme jeune et je me trouvais devant un être mûri par la vie, dont la sensibilité, la bonté, le savoir me faisaient prendre conscience de l'être d'élite que les Compagnons recevaient en sa personne. Cette qualité, Parisien la Bonne Volonté la portait en lui, sobrement, modestement dans un rayonnement qu'il ne soupçonnait pas lui-même.
          Artisan-bourgeois, nous aimions l'appeler ainsi, maître ferronnier au savoir indiscutable, il possédait au plus haut point le sens véritable du forgeage du fer, auquel s'alliait une maîtrise artistique incontestable.
          "Le fer, disait-il, ne peut se concevoir sous une forme efféminée." Comme nos ferronniers moyennageux, il le traitiat artistement, mais dans toute son œuvre se retrouve la forme de dureté que se doit de représenter le fer dans son essence même de matériau dur; et c'est là que se résume sa facture personnelle et originale qui lui semblait la vérité.
          C'est cette vérité qui marquait sa rencontre avec le forgeron de pièces mécaniques que je suis, cette communion d'idées, cette manière de penser le fer dans sa présentation devait sceller une profonde et fraternelle amitié pendans ces vingt années, que seule la mort a rompue. Son "grand œuvre" compagnonnique, la Porte de Strasbourg, dont il dessina le thème, orienta les formes, fut pour notre corporation une révélation de cette âme d'élite. Esprit large, profondément humain envers la jeunesse qui allait en assurer l'exécution, la conseillant mais lui demandant aussi conseil, lui faisant confiance, et l'œuvre achevée, lui gardant une infinie tendresse parce qu'elle avait compris et matérialisé son rêve.
          De jeunes Compagnons Serruriers et Forgerons épars sur le Tour de France lui doivent la connaissance du savoir qu'il leur a dispensé sans compter, pour parvenir à l'élite du métier; en cet instant, qu'une pensée de gratitude evers lui monte de leur cœur.
          Pour nous, Compagnons, qui l'avons fraternellement aimé, chaque fois que l'amitié dirigea nos pas dans certaines de nos maisons compagnonniques, partout où nos yeux se poseront sur ces réalisations en fer forgé, chaque fois où, au cours de nos fêtes, nos Mères porteront au poignet leurs bracelets de réception, l'image de Parisien la Bonne Volonté nous sera présente.
          Un visage mince durement buriné, aux yeux clairs emplis de loyauté, un esprit sage, bon, généreux, fraternel, aux conseils toujours éclairés par la raison, ayant souci d'éviter les heurts de la malice qui trop souvent divisent les hommes.
          Ëtre d'exeption qui savait que ce n'est pas la règle qui garde les hommes, mais que ce sont les hommes de Devoir qui gardent la règle. Cette pensée de Georges Bernanos s'identifie intimement à celui qui fut "Parisien la Bonne Volonté". Elle vient illuminer ce visage buriné, qui était comme gravé par sa vie d'homme de métier qu'il avait su sainement conduire, par sa vie d'époux, de citoyen, de père, de Compagnon.
          Une délégation des Compagnons Forgerons, Maréchaux, Mécaniciens est allée l'accompagner à sa dernière demeure, dans cette terre de Seine-Port qu'il aimait tant. Là il fut porté par les Compagnons et, avait que la tombe ne se referme, La Fidélité d'Argenteuil, son ami, s'exprima en ces termes en notre nom à tous :
          "Celui que nous accompagnons aujourd'hui était un pur, un juste. Il nous laisse l'imate vivante d'un homme d'exception dont l'"xemple qu'il donnait nous apportait la preuve d'une rare unité intérieure. Nous ne l'oublierons pas, parce qu'il est dans notre vie comme une rencontre prédestinée, et si son souvenir est appelé à rester ainsi en nous, c'est que tout dans son attitude relevait d'une conscience qui mesurait avec un profond scrupule tout problème, qu'il soit de son art, de son contact avec les hommes, de ses charges personnelles. Il agissait toujours avec une simplicité et une bonté sans pareille. Mais un autre trait de son caractère était la fermeté. Il l' montré tout au long de sa vie, et plus encore dans ses derniers mois.
          Il s'intéressait à tout, et à ce qui était le plus humble, avec la même attention. Mais il ne le faisait pas comme un homme qui se disperse : lorsqu'il parlait de sa vigne, des Compagnons Forgerons et des affaires du métier, ou des événements, ou du souvenir de George Desvallières, à travers tous ces desseins de la vie, si différents, on sentait Richard Desvallières et sa forte personnalité, son attention, son esprit de recherche, sa rectitude de jugement, son originalité et sa faculté de toucher en chaque chose un point essentiel et quelquefois inattendu.
          Il aimait les hommes, et c'est ainsi qu'il est entré chez les Compagnons du Devoir, en faisant choix dans leur tradition d'un nom qui le dépeint tout entier par sa modestie : il avait voulu être appelé Parisien la Bonne Volonté. Il a vécu avec les Compagnons pendant plusieurs années la fondation d'un renouveau de la conscience ouvrière. Chez eux, il se consacrait tout particulièrement aux forgerons dont il était la fierté. Par sa présence, il leur a donné au départ un élan et une qualité qui restera. Depuis il n'avait cessé de s'intéresser aux Compagnons, dessinant et écrivant, ornant plusieurs de leurs maisons de purs chefs-d'œuvre, participant à leurs réunions d'étude et leur apportant le précieux concours de son esprit.
          Avec toutes ces richesses, celles qu'il avait reçues de son père, celles qu'il avait découvertes lui-même, celles qu'il avait fait découvrir aux autres, Richard Desvallières avait bâti sa vie comme un homme très droit. Il n'a jamais fait l'ombre d'une concession qui ait pu altérer cette droiture. C'est donc une belle et grande vie que nous admirons et que nous saluons ici, rare, difficile à vivre, et peut-être même surprenante pour ceux qui ne pouvaient pas suffisamment la comprendre.
          Ses amis qui ont pu voir une dernière fois Richard Desvallières, si rayonnant de paix après l'ultime épreuve, ont eu la confirmation de cette vie, tant il est vrai que notre dernier visate porte sur lui la marque de toute notre existence. En voyant le sien, on ne pouvait penser que : soyons meilleurs ! C'est la promesse de fidélité que nous lui faisons tous aujourd'hui
".
          C'est là le bien modeste hommage que nous pûmes lui rendre; sa foncière modestie n'en eût pas toléré de plus grand.


Tabernacle
Tabernacle
Tabernacle

Médaille
St Christophe
Table
Table ronde


Fragment de la table de communion du maître autel de l'église Sainte-Agnès à Maisons-Alfort


Élément de table de communion avec, aux angles, décoration d'anges en cuivre repoussé.

Portrait
par son petit fils, Axel Issaverdens

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